Peut-être avez-vous fait le rapprochement avec le festival du livre de Paris qui a débuté pas plus tard qu’hier et s’étalera sur tout le week-end : aujourd’hui, samedi 23 avril, nous célébrons la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur ! L’occasion de revenir sur cet objet de notre quotidien depuis des siècles et pourtant hors du commun.
Prologue
Cette Journée internationale, initiée par l’UNESCO afin de promouvoir la lecture, la publication et les droits d’auteur, est célébrée pour la 23e fois consécutive par les pays des Nations unies. Chaque pays a ses coutumes et fête l’événement différemment. En France, c’est tout un festival qui s’installe au Grand Palais Éphémère de Paris à cette date. Au Royaume-Uni, on peut se rendre à la World Book Night organisée chaque année par l’association caritative indépendante The Reading Agency. L’Espagne, quant à elle, organise également une Noche de los Libros ainsi qu’une session de 48 heures de lecture ininterrompue de Don Quichotte. D’où nous vient donc cette journée institutionnelle et que signifient les livres et l’édition dans les différentes cultures ?
Chapitre 1 : Une journée littéralement historique
Saviez-vous d’où nous vient ce 23 avril qui met à l’honneur les livres ? Après tout, pourquoi pas un 10 octobre, ou un 3 juin ? Il se trouve que la date du 23 avril est chargée de sens quant au monde de la littérature, et qui plus est, internationale ! De nombreux auteurs sont nés ou décédés en ce jour. C’est le cas notamment de William Shakespeare, Inca Garcilaso de la Vega et Miguel de Cervantes. C’est d’ailleurs pour mettre à l’honneur l’auteur espagnol du célèbre roman médiéval Don Quichotte, considéré comme le tout premier roman moderne, que l’écrivain espagnol Vicente Clavel Andrés a organisé la première journée du livre le 9 octobre 1926, jour de naissance du romancier, avant qu’il ne soit remplacé par le jour anniversaire de sa mort, le 23 avril, en 1930.
Chapitre 2 : L’histoire du livre, l’histoire de notre civilisation
L’écriture naît vers 3300 A.-C. en Mésopotamie. On ne peut pas encore parler de livre : les premiers supports d’écriture sont donc le rouleau de papyrus, la pierre, la tablette d’argile et la tablette de bois. À partir du IIe siècle, ces supports quelque peu rudimentaires laissent place au rouleau de parchemin. C’est alors que les premiers livres sont confectionnés à la main : on parle de manuscrits. Les feuillets de parchemin sont pliés pour former des cahiers qui sont ensuite cousus entre eux. Au XIVe siècle, la production de papier se répand en Europe, et la confection de ces manuscrits, jusqu’ici artisanale, se multiplie dans des lieux appelés papeteries.
En 1450, l’orfèvre allemand Johannes Gutenberg met au point les caractères mobiles sur lesquels figurent, en relief, tous les signes nécessaires à l’écriture d’un texte. C’est le début de l’imprimerie, et toute l’édition du livre s’en trouve bouleversée. Sans surprise, le premier livre imprimé grâce à cette méthode est la Bible. Le 23 février 1455, 180 exemplaires de la Bible de Gutenberg sont tirés de cette première impression, dont il ne reste plus qu’une vingtaine aujourd’hui. À la fin du XVe siècle, l’imprimerie s’est répandue dans plus de 200 villes européennes, avec plus de 20 millions de livres produits. En 1501, c’est la naissance du livre de poche : le livre devient plus accessible, transportable : il fait désormais partie du décor ! Finalement, entre le VIe et le XVIIIe siècle, la production européenne de livres est multipliée par plus de 70 000.
Peu à peu se pose la question du droit d’auteur. À l’époque, les auteurs sont des artistes : ils vivent principalement du mécénat, de leurs ressources propres s’ils en ont, et de la vente de leurs manuscrits dûment négociée avec l’éditeur-libraire. Les Anglais sont les premiers à promouvoir et répandre l’idée de rémunération des auteurs, avec le 10 avril 1710, le Statute of Anne, première loi véritablement fondatrice du droit patrimonial sur les œuvres artistiques. En 1798, le philosophe Emmanuel Kant plaide pour la propriété intellectuelle des auteurs dans ses Principes métaphysiques de la doctrine du droit. En France, ce n’est qu’à partir 1838 que le droit évolue en faveur des auteurs, grâce à l’émergence de la Société des gens de lettres.
Chapitre 3 : Une industrie culturelle
Le saviez-vous ? La création, l’édition, la fabrication ou encore la commercialisation d’un ouvrage est le résultat de nombreuses étapes faisant intervenir de multiples acteurs de ce qu’on appelle communément « la chaîne du livre ». Auteurs, éditeurs, imprimeurs, diffuseurs, distributeurs, libraires ou revendeurs : que de personnes différentes qui travaillent sur un ouvrage avant que le lecteur ait le plaisir de le tenir entre ses mains ! Aujourd’hui, le secteur du livre est la première industrie culturelle en France : le marché du livre représente 4,5 milliards d’euros.
Mais bien plus qu’un secteur qui fait du chiffre, le monde du livre, c’est également le fruit de la passion de millions d’individus. En effet, si le livre représente une telle industrie toujours en croissance, c’est qu’il y a un petit quelque chose dans le livre qui fait qu’il plaît autant. Plus que de permettre de passer le temps, d’apprendre à faire un tiramisu ou d’améliorer notre culture générale, etc… le livre procure avant tout chez son lecteur des émotions, qui peuvent aller de l’émerveillement à l’indifférence, certes, mais également de l’effroi à l’excitation, du dégoût à la colère, de la curiosité à la déception, de l’amusement à la gêne, du contentement à la frustration, et j’en passe…
Pour illustrer les émotions et les sensations que procurent les livres, les mots d’un grand écrivain français au palmarès imposant me viennent tout naturellement :
« Quand j’en ai assez de l’ombre, je prends un livre dans une salle pour voir un peu de ciel. » Alain Damasio, La horde du contrevent
Les livres gravent en nous des souvenirs, des moments d’émotions, parfois indescriptibles, mais ô combien formateurs. Les mots permettent de matérialiser des idées et conditionnent notre perception de la réalité, c’est pourquoi nous nous construisons avec ce que nous lisons. C’est ce que les livres m’évoquent, mais qu’en est-il des différentes cultures ?
Chapitre 4 : Le livre, un ambassadeur interculturel
Grâce au travail indispensable des traducteurs, les livres peuvent désormais traverser les frontières et se répandre dans les différents pays du monde. Le livre le plus lu dans le monde est également un des plus vieux : la Bible. Avec quatre milliards d’exemplaires vendus dans le monde, elle remporte la première place des best-sellers internationaux. En revanche, elle ne peut se targuer d’être le livre le plus traduit au monde : c’est Le Petit Prince qui prend la première place ! Le célèbre livre pour enfants d’Antoine de Saint-Exupéry est un grand voyageur et a été traduit dans un total de 382 langues et dialectes. Ses histoires fantastiques, sa simplicité et son imaginaire intergénérationnel en font un vecteur intemporel de l’interculturel.
L’Inde est le pays dont les habitants lisent le plus au monde : en 2018, chaque habitante consacrait 10 heures et 42 minutes par semaine à la lecture. La France quant à elle, se situe en 9e position, avec ses 2 minutes quotidiennes et ses 7 heures de lecture hebdomadaires. Enfin, les États-Unis arrivent en bas du classement, avec seulement 5 heures et 42 minutes hebdomadaires consacrées à la lecture. Cerise sur le gâteau : en Australie, Harry Potter est le livre le plus lu ! 7 des 8 livres les plus populaires sur le 6e continent sont des romans écrits par J.K Rowling.
Chacun des 330 pays du monde a ses propres pratiques de lecture, modernes ou ancestrales, sa propre littérature, sa propre industrie, mais une chose est sûre : la lecture est une des pratiques culturelles les plus répandues dans le monde. L’être humain a inventé le langage, les mots, le papier, l’écriture, l’imprimerie, et de ce fait la lecture, avec une seule fin : communiquer toujours davantage.
Épilogue
Aujourd’hui, de plus en plus de voix se lèvent pour questionner la définition même du livre. Avec l’émergence et le succès du livre audio, du Kindle et autres liseuses, de l’Epub, du PDF et tout autre type de livre numérique apparu dans les années 1960, sans compter la facilité actuelle qu’ont les écrivains de s’autoéditer, peut-on encore dire du livre qu’il doit être un document imprimé, aux pages reliées et présenté sur les étagères des librairies pour être qualifié de tel ?
Et vous, êtes vous férus de lecture ? Quel livre attend impatiemment que vous le déraciniez de votre table de chevet, ou que vous le couchiez définitivement sur le papier ?
Un article de Clara Banville, Secrétaire générale et relectrice interne chez Junior ISIT