Est-ce que tu parles des langues rares ?” Voilà une question à laquelle plus d’un ISITiste a dû répondre, faisant suite à “Combien de langues tu parles ?”. Malgré l’ouverture du russe et du portugais à la rentrée 2018, l’ISIT (Institut de Management et de Communication Interculturels) n’enseigne pas ce qu’on pourrait appeler des “langues rares”, même si la limite entre langue courante et langue rare reste à définir. Tout étudiant en premier cycle à l’ISIT a cependant la possibilité de partir à l’étranger pour un semestre universitaire et c’est à cette occasion que j’ai commencé à apprendre le roumain. Lorsque l’on me demande si je parle des langues rares, je peux maintenant acquiescer et décliner quelques faits – et non pas quelques noms communs – surprenants du point de vue des francophones. 

En raison de l’emplacement géographique de la Roumanie, entre la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie, l’Ukraine et la République de Moldavie, nombreux sont ceux qui pensent que le roumain est une langue slave. Une large majorité du lexique provient en réalité du latin, auquel s’ajoutent des termes issus de l’influence dace, slave, grecque ou turque. Le roumain est donc très proche de l’italien et du français, dont on peut reconnaître certains mots au fil des phrases. Beige et mauve se diront par exemple bej et mov, merci et toilettes mersi et toaletă. Les mots français ont donc pris l’orthographe roumaine mais conservent la sonorité française, ce qui facilite bien sûr l’apprentissage.  Il arrive, en revanche, que ces termes d’origine latine aient des synonymes d’origine slave : mersi a par exemple pour synonyme mulţumesc

Le roumain est très proche de l’italien et du français

Au-delà des ressemblances, le roumain a conservé du latin ce que le français a délaissé : la déclinaison. Le roumain est en effet une langue flexionnelle, c’est-à-dire que les mots changent de forme en fonction de leur rapport grammatical aux autres mots de la phrase. Pour désigner un complément d’objet indirect ou un complément du nom, un nom roumain a donc une désinence spécifique pour être respectivement au datif ou au génitif. Pour certains mots, le vocatif est aussi utilisé afin d’exprimer une apostrophe. Cette forte utilisation des déclinaisons distingue le roumain des autres langues romanes, avec lesquelles il n’a que peu été en contact au cours des siècles.

Cette séparation a aussi valu au roumain de garder le genre neutre, en plus du masculin et du féminin. Le neutre roumain est plus similaire au neutre latin qu’au neutre allemand : il n’utilise pas de déterminant spécifique mais fonctionne au singulier comme le masculin et au pluriel comme le féminin. Parmi les noms neutres en roumain, on trouve un pat (un lit), un joc (un jeu) ou un oraș (une ville).

Si les latinistes ou hellénistes qui lisent cet article ne sont pas impressionnés par les déclinaisons du roumain, il existe d’autres types de suffixes en roumain, plus inhabituels. À la fin d’un nom commun roumain se trouve la marque du pluriel, comme en français, mais aussi la marque de l’article défini : c’est ce qu’on appelle un article enclitique. Par exemple, un garçonse dit unbăiat mais le garçon se dit băiatul. Pour le pluriel, la marque de l’article défini s’ajoutera au pluriel indéfini : des garçons se dit băieți et les garçons se dit băieții. Les marques du pluriel et de l’article défini varient en fonction du genre du nom, ce qui donne parfois des mots roumains amusants, comme les tulipes qui se dit lalelele (une tulipe : o lalea, la tulipe : laleaua, des tulipes : lalele, les tulipes : lalelele).

Les marques du pluriel et de l’article défini varient en fonction du genre du nom, ce qui donne parfois des mots roumains amusants

Pour finir, voici quelques exemples qui amuseront les linguistes et les autres : să pun săpun est une vraie phrase qui signifie je dois poser du savon et il n’est pas si rare de trouver des mots composés uniquement de voyelles, comme o oaie (un mouton) et o ie (une blouse). Tout comme un et une, le mot deux existe au masculin et au féminin (deux garçons : doi băieți, deux tulipes : două lalele).

Tout comme un et une, le mot deux existe au masculin et au féminin

La principale difficulté pour un débutant en roumain ? Assimiler que la n’est pas un déterminant défini féminin, si courant en français, mais l’équivalent de la préposition à (la Bucureşti : à Bucarest) !

Toutes ces particularités font du roumain une langue passionnante à apprendre : assez proche du français (et encore plus de l’italien pour les italophones) pour pouvoir établir des liens entre les langues et assez éloignée pour représenter un vrai défi. C’est donc l’occasion de varier des langues plus classiques enseignées habituellement en France. À vous de découvrir si c’est floare la ureche (“une fleur à l’oreille”), facile à faire !

Puisqu’une langue se lit mais s’écoute aussi :

  • https://youtu.be/YnopHCL1Jk8 pour ne plus chanter nomanomayé mais nu ma, nu ma iei (“tu ne, tu ne m’emmènes pas”)
Article Roumain

Ce que vous rêviez de savoir sur le roumain

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